Critica Paradiso

Heat

de Michael Mann

Revenir au panorama Cambriolages

Synopsis :

Tic Tac Tic Tac… Chaque seconde compte.

Tic Tac Tic… Il n’y a pas de honte.

Aucune hésitation possible pour Neil McCauley (Robert De Niro) et ses acolytes braqueurs. Pourtant, police et famille les poursuivent : à croire que pour fuir l’un, il faut fuir l’autre. Échapper à la police nécessite parfois de sacrifier son amour mais ce n’est pas tout. N’est ce pas pour échapper à la réalité des sentiments que chacun de ces voleurs esquive les gendarmes avec tant de minutie ?

Tic Tac… La précision qui fascine le spectateur sert de refuge aux personnages ?

Tic… Une histoire de voleurs intense et pleine de rage. Boum ?

Critique :

Autant que les cambrioleurs, le film est d’une précision remarquable, notamment sur sa construction. C’est à dire que des échelles, non pas de compréhension, mais de nuances sont ordonnées en se complétant. Essayons de rendre hommage à cette structuration dans la critique. C’est un film d’action, en trois parties thématiques : action pure, action minutieuse et action rusée.

Par action pure, entendons des scènes de violences, ici passionnantes, voire pire, entraînantes. Prenons la fuite dans les rues, policier contre braqueurs, une centaine contre deux, et pour un peu d’égalité pistolets contre mitraillettes M16. Robert De Niro et Val Kilmer sont d’une rigueur dans leurs tirs à couper le souffle. Pas une once de recul vertical ou horizontal : que des acteurs imitent aussi bien des agents des forces spéciales est une des qualités du film.

Par action minutieuse, nous parlons de cet instinct sauvage mêlé à toute l’intelligence humaine dans l'exécution des plans de la bande. Ce ne sont pas des « bourrins » ou des simplement des tireurs d’élite mais des ouvriers. Comme dans une routine où la moindre différence se remarque, ils volent en toute simplicité tout en étant sur leurs gardes. Par exemple, quand un policier en surveillance fait un bruit dans le camion, le guet, entièrement tapi dans l’ombre, n’a pas la moindre hésitation et arrête immédiatement l’opération. On pourrait parler de force « mentale » en plus de force « physique ».

Mais que serait tout ça sans la ruse ? Cette qualité des Hommes qui leur permet d’aller plus loin que la perfection (au sens péjoratif du terme, « bon enfant »), car c’est elle qui crée les génies du mal, c’est l’origine de la cruauté. Dans un film où l’on soutient les méchants, quoi de mieux qu’un gentil humilié ? C’est ce plaisir qu’on retrouve quand Al Pacino croit observer les voleurs et une discussion de leur projet, mais que c’est un piège visant à confirmer le fait qu’il les suive, mais visant surtout, excusons le terme adéquat, à se foutre de sa gueule.

Mais où est la faille dans ce génie ? Où est la raison de la balle dans le cœur de De Niro ? La réponse est dans la phrase précédente : il y a deux explications. Soyons plus correctes, on peut expliquer de deux manières l’unique élément qui cause leur perte.

Cet élément est le besoin d’adrénaline. Est-ce un défaut ? Dans ce cas, on peut effectivement leur reprocher de ne pas être parfaits. Pas de morts dans la bande de cambrioleurs s’ils n’avaient pas décidé de faire « le dernier coup ». Si on interprète tout de cette manière, Neil ne serait peut être pas mort s’il n’avait pas hésité quelques secondes avant d’abandonner son nouvel amour, hésitation qu’il s’était promis de ne pas avoir : « tout ce qui a pu prendre une place dans ta vie tu dois pouvoir t'en débarrasser en 30 secondes montre en main, dès que t'as repéré un seul flic dans le coin ».

Mais n’est ce pas une qualité ? Cette hésitation montre aussi son renouveau, sa capacité inconnue pour lui d’aimer, qui se heurte à des principes durs auxquels ils adhèrent depuis toujours, car censés lui sauver la vie. Ce serait injuste de reprocher à ce personnage un manque de constance dans sa philosophie alors que la cruauté et la résolution sont dans cet abandon à leur paroxysme. Revenons à ce « dernier coup », il n’existe pas de « si » dans les films car ils s’arrêteraient aussitôt une autre (« meilleure ») décision prise par un personnage. Cette erreur classique de tenter le diable est le point névralgique du film, c’est ce qui le fait durer, c’est ce qui rend le sort final cruel aux yeux du spectateur et surtout, une fois de plus, c’est ce qui rend ces cambrioleurs rayonnants. Rien n’est plus agréable qu’une admiration totale des personnages, et on admire ce que l’on ne peut pas faire. Évidemment que de notre point de vue il ne fallait pas faire ce dernier coup, mais était-ce une erreur ou était-ce un défi lancé au destin par une bande d’humains marginalisés ? N'avons-nous pas trop tendance à critiquer ceux plus courageux que nous en les qualifiant d’inconscients ? C’est bien pour contrer cette tendance que cette critique est devenue un éloge, et rien n’était plus sincère que ces compliments faits à la perfection des personnages.